Lors de mes prospections intensives depuis plus de 5 ans sur Dieppe en vue de la préparation de mon activité de guide de pêche, j’ai eu le plaisir de capturer des poissons trophée. Parmi eux, j’ai pêcher cette raie de 4.825 kg, homologuée record de France.
J’ai décidé de développer mes connaissances de cette espèce il y a près de 10 ans pour trouver les gros spécimens sur canne fine. La raie bouclée est l’espèce la plus commune sur Dieppe. Connue pour sa nage ample et gracieuse, elle offre des combats exceptionnels. Un poisson de 2 kg sonde comme un bar de 3 ou 4 kg.
La pêche de la raie offre des combats puissants
Bien entendu, à la touche, la raie n’entame pas le départ vigoureux du bar sur la longueur. Elle stoppe nettement la ligne et montre une puissance constante durant tout le combat. D’ailleurs, elle est un poisson vedette au Royaume-Unis où elle est très recherchée du bord comme en bateau, en surfcasting comme au poser. Nos voisins anglais la recherchent principalement avec de gros appâts. Ils n’hésitent pas à mixer des appâts très aromatiques dégageant des effluves puissants. Les pêcheurs britanniques aiment associer des esches complémentaires. Ils mixent souvent du blanc de seiche ou d’encornet, de la grosse arénicole fraîche et du poisson gras. En termes d’appâts, le maquereau est incontournable notamment lorsqu’il est de première fraicheur. Les pêcheurs anglais saucissonnent par deux ces appâts ligaturés à l’aide d’un fil élastique. Ils appellent ce montage « cocktail baits ».
Les plus beaux spécimens se prennent évidemment en bateau. Les cannes fortes équipées de moulinets tournants sont adaptées pour les pêches au posé. Ces pêches ancrées rendent les combats plus difficiles dans le courant et nécessitent des cannes fortes !
J’ai alors décidé de traquer ce poisson en dérive sur du matériel moderne et léger conçu initialement pour le bay-jigging ou le slow-jigging. À l’instar du tenya (tête plombée + crevette), je suis en action de pêche avec la canne en main et un appât présenté en direct ou à quelques centimètres du plomb. Restait à mieux connaître la raie pour savoir la trouver et la séduire.
Recherche méthodique pour trouver les grosses raies
Ce poisson de fond fouille dans le substrat pour déloger son menu composé de coquillages, gastéropodes, vers ou encore crustacés. La raie ne s’interdit pas une remontée entre deux eaux ou en surface en faisant onduler ses puissantes ailes pour chasser des petits poissons (chinchards, harengs, lançons, maquereaux, orphies, sardines, petits poissons plats) ou des céphalopodes (seiches, calamars). Mais généralement c’est plaqué au fond que l’on trouve ces poissons. Les raies évoluent en général sur le sable, posées sur le fond ou parfois enfouies.
Elles approchent les plages, notamment les bancs de sables entre les roches. Elles longent également les fonds sablo-vaseux des chenaux et des parcs à huîtres et à moules. Au large, c’est autour des ridens que je les cherche, dans une profondeur généralement de 10 à 40 m. C’est la richesse du fond qui génère un habitat de qualité pour ce poisson. La carte marine nous donne des informations précieuses sur le relief sous-marin et sa composition. Un riden haut est marqué par une indication de profondeur très différente de la profondeur moyenne aux alentours.
Les raies record sur les fonds riches en coquillages
Si quelques raies peuvent se balader sur le haut d’un riden, en particulier à la tombée de la nuit, ces rajidés préfèrent généralement les fonds plats proches d’un riden où s’amoncèlent les proies en devenir. Les tourbillons et contre-courants formés par ces reliefs déposent derrière eux des mollusques de toute sorte, bivalves, gastéropodes voire céphalopodes. De quoi intéresser notre raie friande de tous ces individus, mais pas que. Une partie de la chaine alimentaire s’y retrouve. Les ophiures et crustacés s’installent en quêtes de chair de mollusque et diverses espèces tournent autour de ces friandises, telles que les rougets grondins, roussettes ou encore morues. Les raies doivent donc partager le butin avec ces individus. Lorsqu’elles chassent un poissonnet, elles l’écrasent au sol avec leurs ailes puis le déguste tranquillement, ce qui ne laisse pas de restes aux voisins.
Quelques heures de recherche à la maison et sur l’eau
La raie aime la chair tendre et grasse, mais aussi les coquillages et crustacés qu’elle broie avec ses puissantes mâchoires. Lors d’une pêche récente, une raie a recraché deux blancs de coquillage (couteau) et deux langoustines, preuve d’une alimentation bien présente sur le spot. Sur la carte marine, des sigles en petites lettres indiquent la nature des fonds. Les lettres Sh sont l’abréviation de Shells, ce qui signifie coquillages. La zone aux alentours de ce sigle est donc propice à la présence de poissons de fond tel que les daurades et les raies, en particulier si ce type de fond est à proximité d’un riden, comme expliqué ci-dessus.
Mais il me restait un peu de recherche à effectuer sur l’eau. Ces coins de pêche représentent des étendues plus ou moins vastes. Il a fallu passer du temps pour apprendre à mieux connaître les bonnes zones de pêche. C’est seulement après plusieurs dizaines de dérives, en enregistrant chaque touche, que le point GPS devient bon. Généralement, contrairement aux épaves, une bonne zone pour la raie ne se concentre pas sur un point précis mais sur un petit périmètre dont on marque les pourtours à l’aide de quatre ou cinq points GPS.
Pêche de la raie record de France toute catégorie
Après quelques heures à éplucher les zones au détriment d’autres espèces que j’avais bel et bien trouvées, j’ai touché des raies de plus en plus grosses. Jusqu’au jour où j’ai eu la chance de trouve des gros sujets très régulièrement et en particulier cette raie bouclée de 4,825 kg, record de France toute catégorie de ligne.
Ce poisson trophée a eu une saveur particulière après tant de recherche. Il a été pris à Dieppe le 21 Octobre 2017 et accuse 4.825 kg sur la balance.
