Durant la période hivernale en janvier 2020, nous sommes avec mon ami Loïc à l’affût de la moindre information sur des épaves propices à la capture des très gros lieus jaunes. Récit d’une recherche fructueuse.
Un seul objectif, battre un nouveau record
Lors d’un point sur la saison précédente avec mon ami Loïc, nous décidons alors d’aller vers de nouveaux horizons et de prospecter les épaves très au large qui, potentiellement, n’ont vu que très peu de lignes dans leur histoire. La recherche se concentre sur le large de Dieppe, peu importe la distance, entre le large du Havre et le large de Dunkerque. Un seul objectif : battre un nouveau record.
Le choix des coins de pêche à gros lieus jaunes
Les gros lieus jaunes élisent domicile en particulier sur les plus grosses structures au large dans plus de 35 m de profondeur. Nous épluchons alors nos répertoires d’épaves, pour la énième fois. Nous nous concentrons en particulier sur les épaves que nous n’avons jamais prospectées, les plus grands cargos coulés à proximité des rails montants et baissants. Ce sont les grands fonds du détroit du Pas-de-Calais où la circulation maritime est l’une des plus denses au monde avec près de 400 navires par jour en moyenne et avec des pics à 800 !
Chaque épave identifiée comme potentiellement bonne donne lieu à une recherche approfondie quant à son histoire, la date du naufrage, le type de bateau, son orientation et, éventuellement, le récit de plongeurs les ayant déjà visités. Les épaves au large de Boulogne, Calais et Dunkerque arrivent rapidement du côté anglais et nous cherchons également dans les répertoires britanniques.
En parallèle, je prépare méthodologiquement les leurres pour cette expédition, pour être prêt à faire face à toutes les conditions. Nous fixons la date pour une première prospection. Le nombre de créneaux météo étant restreint, nous fixons plusieurs dates et scrutons la météo au jour le jour. La première pêche s’effectue au départ de Dunkerque lors d’un petit coefficient de marée. Loïc met son bateau à l’eau à Grand-Fort-Philippe et nous mettons cap directement vers le large en limitant les escales qui nous feraient perdre du temps. Les températures frôlent les 0°. Mais très vite, un soleil généreux fait son apparition et nous sentons directement le bénéfice en termes de confort.
Première étape au large de Dunkerque : des lieus jaunes de 4 kg
Nous laissons partir les lignes sur une première carcasse dans 40 m de profondeur. J’opte pour un slug de 23 cm armé d’une tête plombée “darting” de 50 g alors que Loïc prospecte avec un leurre vibrant de 12 cm (un shad) équipé d’une tête 42 g. Ainsi, nous sommes complémentaires dans l’approche pour trouver la bonne stratégie plus rapidement.
Le premier constat est qu’en ce lendemain d’un coup de vent, l’eau semble relativement chargée en particules même au large. Il n’est pas sûr que la visibilité soit très bonne au fond. Après deux ou trois timides touches, nous remontons un petit cabillaud et décidons de prospecter l’épave suivante.
Durant la navigation, nous observons un changement au niveau de la clarté en surface qui pourrait bien marquer une différence de résultat pour la suite. L’épave suivante est un cargo de plus de 100 m, un monstre susceptible d’abriter de gros carnassiers. Le courant forcit légèrement et ce n’est pas le meilleur moment pour aborder la carcasse. Malgré tout, à la première dérive où nous laissons descendre chacun un slug pour mieux traverser la couche d’eau, nous remontons lentement les lignes et enregistrons tous les deux une jolie touche. Cette prospection est bien réussie puisque nous mettons au sec deux lieus d’environ 4 kg.
Jolie concentration de lieus jaunes mais courant trop fort
La boule visible au sondeur décollée de l’épave semble bien être une jolie concentration de lieus ! À la dérive suivante, le courant accélère davantage et la pêche devient plus difficile. Nous enregistrons une timide touche et plus rien, plus un signe de vie. Nous avons beau augmenter le poids des têtes plombées, l’épave défile à grande vitesse au sondeur et les poissons semblent planqués dans la carcasse en attente de la renverse de marée. Inutile d’insister, nous filons sur le spot suivant pour essayer de trouver une épave communiquée par des amis plongeurs du côté anglais.
Découverte d’une nouvelle épave à Dunkerque
La navigation est d’un confort incroyable car nous avons la chance de profiter d’une belle accalmie après plus de 15 jours de mer non praticable. Arrivés sur zone, nous trouvons juste un tout petit morceau d’épave. Il nous faut alors entamer une prospection en effectuant des cercles de plus en plus grands autour de ce point pour dessiner un tourbillon sur le GPS jusqu’à trouver la carcasse. Après trois tours, nous trouvons une montée de 3 m suffisamment importante pour s’y arrêter. Nous allons donc sur la zone et avançons lentement jusqu’à découvrir une épave conséquente de plus de 8 m de hauteur. Cette dernière se révèle en travers du courant. Ce n’est pas l’idéal ! Nous sommes en plein courant montant et nous ne pourrons pas longer la carcasse dans le sens de sa longueur.
L’épave est massive et il me semble bien distinguer sur le sondeur de petites détections collées à la structure. Nous profitons du fort courant pour peigner au sondeur l’ensemble de la structure et bien l’identifier sur la cartographie. La première dérive en plein courant nous permet de sortir un premier lieu jaune de 3 kg, ce qui est un bon présage pour la suite. Après quelques dérives aux jigs lourds en plein courant, ce dernier passe sous la barre de 1,5 noeud et nous réarmons les cannes avec les imitations de lançons.
Des gros lieus jaunes jusqu’à 85 cm pour 6 kg
L’animation consiste alors à laisser partir le leurre à l’aplomb du bateau sur l’épave lorsqu’elle apparaît au sondeur et, dès que la tête plombée a tapé sur le fond, remonter lentement sur 10 ou 15 m de hauteur. Cette animation fait monter les lieus qui sont tapis sur le fond. Avec des animations à gratter, les lieus sont presque insensibles aux leurres qui leur passent sous le nez. Nous prenons alors jusqu’à la cassure du courant sept gros lieus jaunes. Le plus gros avoisine les 6 kg pour 85 cm.
C’est une très belle prise, un poisson trophée qui nous fait vraiment plaisir. Ceci dit, nous attendons de ces nouvelles prospections des poissons énormes dans la limite des capacités de l’espèce. En d’autres termes, nous espérons battre nos records. Le mois de janvier est généralement creux et ça fait vraiment plaisir de toucher des poissons d’une moyenne de 4 kg. Nous repartons en pensant à la suite : expédition au départ de Dieppe.
L’étape des lieus jaunes records : Dieppe
Après quelques jours de prospection sur nos cartographies et bases de données, nous repérons trois grosses carcasses au large de Dieppe dont deux que nous n’avons jamais visitées. C’est une vraie expédition dans la mesure où les grands fonds se situes très au large. Nous visons des carcasses susceptibles d’abriter des lieus record qui n’ont que rarement vu la silhouette d’un leurre souple. Cette fois, j’accueille Loïc chez moi, à Dieppe. La météo décide du timing et nous sortons durant un grand coefficient de marée, ce qui n’est pas idéal pour la traque des gros lieus jaunes.
Ce coefficient supérieur à 100 fait réfléchir deux minutes mais l’accalmie est trop belle : il faut y aller ! Nous sortons du port de Dieppe pour une navigation très longue en direction des côtes anglaises. La navigation est agréable pour traverser le passage des cargos. Mais avant ce passage critique, nous mettons les lignes sur une épave énorme connues d’une petite poignée de Dieppois. Sur cette épave, nous capturons deux poissons de plus de 3 kg, mais ce ne sont pas les gros lieus jaunes que nous cherchons.
La découverte d’une nouvelle épave
Le courant est encore très fort et nous décidons de mettre les voiles pour la carcasse suivante qui sera une vraie découverte. Nous croisons quelques gros cargos que nous laissons passer devant nous afin de limiter les risques de tomber en panne en plein devant leur nez. Comme vous avez pu le voir dans le film Titanic, ces grosses unités mettent plusieurs kilomètres pour s’arrêter et il faut s’armer de sagesse face à ces mastodontes des mers ! Nous arrivons sur une carcasse trouvée par un pêcheur professionnel qui semble de taille conséquente : plus de 6 m de hauteur.
Cette belle épave coulée parfaitement dans l’axe du courant nous permet d’effectuer de longues dérives au ras de celle-ci. Nous nous frottons les mains à l’idée de prospecter cette carcasse inconnue qui d’ailleurs ne pas de nom. Nos premières dérives sont effectuées au mètre près et nous nous appliquons comme jamais à l’idée de sortir un gros poisson de cette carcasse. Malheureusement, le fort courant ne nous permet de toucher qu’un petit lieu qui repart à l’eau pour grandir.
Un poisson de 96 cm
Nous partons donc encore plus loin, à quelques minutes d’ici, pour prospecter notre troisième épave. Bien sûr, nous espérons que les résultats seront meilleurs. Nous arrivons sur celle-ci à la cassure du courant montant et enregistrons immédiatement des touches. Les deux premiers ferrages nous amènent à sortir des lieus jaunes vraiment moyens en terme de gabarit. Nous remettons ces poissons à l’eau en espérant tomber sur du plus gros. C’est le moment de l’étale de courant. Nous avons beau soigner nos animations et descendre le poids des têtes plombées et la taille des leurres, rien n’y fait.
L’activité est très moyenne… Nous repartons alors sur l’épave précédente sur laquelle nous avions repéré un peu plus activité au sondeur. Le courant baissant s’installe et nous entamons des dérives dans le sens opposé. Loïc enregistre une touche puissante alors qu’il était en train de remonter un slug de 18 cm monté sur une tête darting de 50 g. Le combat est musclé et Loïc n’est pas très bavard. C’est le cas quand il trépigne d’impatience de découvrir ce qui est au bout de sa ligne. Je suis alors moi-même assez curieux de voir la bête tellement les coups de tête sont amples. Effectivement, Loïc met au sec un gros lieu jaune de 96 cm.
Nous voici ravis, c’est la consécration de nos recherches ! Très vite, nous faisons quelques photos et repositionnons le bateau car le courant va très vite s’accentuer à l’occasion de ces grands coefficients de marée.
Le gros lieu jaune prend 10 m, se décroche et reprend mon leurre !
À la dérive suivante, même technique, même leurre, même animation. Cette fois-ci, c’est à mon tour d’enregistrer une touche énorme alors que mon leurre arrive à mi-hauteur. J’utilise une canne 10-35 g et une tresse en 12/100. Le poisson prend alors 10 m de fil, le combat est palpitant ! Cependant, alors que je remonte sur environ 10 m, le poisson se décroche. J’ai les nerfs ! Mais si ça bouillonne dans ma tête, je garde suffisamment de sang-froid pour reprendre l’animation et mouliner tout doucement. Je n’imagine pas vraiment que ce poisson que j’ai trainé sur 10 m puisse attaquer de nouveau. J’ai à peine fait trois tours de manivelle que le poisson me fait un choc dans les mains et repart vers le fond. La canne est tellement sensible, le moulinet tellement léger, la tresse tellement fine que le poisson m’amène à tendre le bras tellement le contact est direct.
Consécration, je sors un lieu jaune d’un mètre
S’en suit un combat magnifique pour la mise au sec d’un lieu tout aussi impressionnant que celui de Loïc. Nous le posons sur la règle à poisson à côté de l’autre et avons peine à croire ce que nous voyons. C’est un lieu d’un mètre de longueur !
Nous sommes comme des gosses, complètement euphoriques. À ce moment précis, la journée est réussie peu importe la suite de la partie de pêche. Bien évidemment, nous refaisons deux ou trois dérives avant que le courant ne soit trop fort. Malgré le fait d’avoir trouvé le bon leurre, nous ne sortons plus qu’un seul lieu d’environ 4 kg.
Plutôt qu’attendre trois heures que le courant ne repasse sous la barre des 1,5 noeud, nous décidons de rentrer. Sur la navigation du retour, nous avons des étoiles dans les yeux. Il reste tout de même une longue navigation avant le rinçage du bateau et la route du retour pour Loïc. Nous sommes pleinement satisfaits d’avoir trouvé les très gros lieus jaunes visés. Il nous parait sage de rester sur ce bon moment et le savourer.
Ces deux journées au cœur de la trêve hivernale valent de l’or ! Ce sont des souvenirs de pêche qui resteront gravés à jamais. Il faut l’avouer que nous prenons plaisir à raconter encore et encore cette histoire.